Les plantes autogames ( la plupart du temps, il serait plus juste de dire: les plantes à dominante autogame ) donnent des variétés à peu près fixées, mais il y a rarement autogamie stricte ( à 100% ). Les plantes autogames strictes sont dites cléistogames ( taux d'allogamie inférieur à 1 ou 2 % ).

Les espèces potagères autogames ou à dominante autogame, sont toutes des annuelles, sauf la mâche. Ce sont les suivantes :

- Aubergine : taux d'allogamie inférieur à 10%. Distance d'isolement entre 2 variétés = 20 m ou mettre des sachets papier sur les fleurs ( qui sont auto fertiles ).

- Haricot nain et à rame : taux d'allogamie de 3 à 10%, peut-être un peu plus entre haricot nain et à rame. Les hors types qui apparaissent proviennent plutôt de mutation ou de dégénérescence ( retour à l'ancêtre - à rame ). On peut trier les graines selon leur couleur pour éliminer les grains douteux. Isolement 10 m entre variétés naines de types différents, 20 m entre variétés à rames ou entre naines et à rame.

- Laitue : autogame ; taux d’allogamie de 4 à 6% ( certaines variétés semblent un peu moins stables que d'autres ). 5 à 10 m suffisent entre 2 variétés. On peut trier les graines noires dans les variétés à graines blanches et vice versa.

- Mâche : autogame. 5 à 10 m d'isolement suffisent entre 2 variétés.

- Pois potager : cléistogame. 2 à 5 m suffisent entre 2 variétés.

- Poivron : taux d'allogamie < 10% en climat tempéré. Isolement 30 m, ou plus si les variétés sont très différentes. Le taux d'allogamie des piments forts est nettement plus élevé que celui des piments doux : augmenter les distances d'isolement.

- Tomate : autogame en climat tempéré: quelques m entre 2 variétés suffisent. Il n'en est pas de même en climat chaud ( méditerranéen ) où, de plus, certaines variétés sont plus allogames, ou plus fécondantes que d'autres ( tomates cerises par exemple ). Les variétés susceptibles de pollinisations croisées ont un style qui dépasse du cône d'étamines par temps chaud ( caractère fréquent chez les variétés anciennes, éliminé par sélection des variétés récentes ).

La sélection conservatrice des plantes autogames est relativement facile et peu coûteuse, car la pureté héréditaire est largement assurée ( plantes homozygotes ). On a ainsi une grande uniformité du type de la variété, qui ne se modifie que très lentement. Les variétés sont généralement des lignées pures.

Mutations : elles sont assez rares et plus souvent défavorables que favorables. Les plantes mutées disparaissent ou, en tous cas, ne prennent pas le dessus. Elles sont parfois repérables et donc faciles à éliminer par épuration avant la floraison. Elles peuvent être à l’origine de nouvelles variétés.

Croisements indésirables : ils peuvent se produire de temps en temps. Il suffit d'éviter de cultiver côte à côte plusieurs variétés surtout quand il s'agit de ne multiplier qu'un petit nombre de plantes. Quelques mètres entre 2 variétés sont généralement suffisants et permettent en outre de limiter les risques de mélanges accidentels au moment de la récolte ( quand une plante se couche dans le rang d'à côté par exemple ).

Les mélanges accidentels : c'est, de loin, la cause la plus fréquente de dégénérescence des variétés de plantes autogames. Les risques de mélanges existent à chaque étape de la culture des porte graines :

Chez ces plantes, les variétés présentent une grande diversité. On peut améliorer et maintenir leur homogénéité par la sélection conservatrice. Les plantes potagères allogames sont toutes celles qui n'ont pas été citées dans la liste des plantes autogames, et en particulier, toutes les plantes bisannuelles, sauf la mâche.

Pour les plantes allogames (par exemple la carotte, la betterave rouge, le chou, l’oignon), il est beaucoup plus coûteux, en raison du brassage constant du patrimoine héréditaire ( plantes hétérozygotes* ), de maintenir l’uniformité désirée, et aussi exigée par la loi sur la circulation des semences et la protection des variétés. Les variétés sont généralement des populations.

Cependant, pour presque toutes les cultures ( légumes-racine et légumes-feuille ), l’organe de fructification nutritif ( racine de la carotte, pomme du chou ou de la laitue,.. ) se forme avant la floraison et donc avant qu'il n'y ait eu pollinisation croisée.

Cela permet de juger et sélectionner assez tôt pour que seuls les sujets sélectionnés, conformes au type de la variété, fleurissent ensemble. En outre, il y a moins de risque de recevoir du pollen indésirable des jardins amateurs environnant qu’avec les cucurbitacées qui sont toujours cultivées pour leurs fruits.

Plantes allogames

Tableau succinct des distances d’isolement entre la variété à conserver et des plantes d’autres variétés ou des plantes sauvages de la même espèces susceptibles de fleurir au même moment.

Espèces

Distances d’isolement

Observations

Betterave, épinard, poirée

1 km ou plus

Anémophiles ( pollinisation par le vent )

Maïs doux

> 1 km

Anémophile, attention aux OGM

Carotte, chicorées ( autres que frisées et scaroles ), fenouil, panais, salsifis

500 m à 1 km

Attention aux plantes sauvages de la même espèce

Choux

500 m à 1 km

Radis

500 m à 1 km

Attention aux ravenelles

Cucurbitacées ( concombre ou cornichon, courges, melon, potiron, pastèque )

500 m à 1 km

Attention aux plantes cultivées dans les jardins des environs

Oignon, poireau

400 m à 800 m

Céleris, chou-navet, navet, persil

300 m à 500 m

Les navets se croisent avec les choux chinois

Chicorée frisée ou scarole

50 m à 200 m

Peu de croisements avec les autres chicorées et les chic. sauvages

Pour plus de détails, voir le bulletin N°3 du Biocivam 11 ( cf bibliographie )

Chez ces plantes, l'organe de fructification ne peut être sélectionné que lorsque la floraison et donc la fécondation ont déjà eu lieu: si une plante doit être éliminée parce que son fruit n'est pas conforme ou présente des défauts, elle a déjà participé à la fécondation des plantes qui l'entourent. Au contraire, si une plante est particulièrement intéressante ( forme, couleur ou goût du fruit ), il faut se rappeler qu'elle a probablement été fécondée par des plantes qui n'ont pas toutes ces qualités et que sa descendance sera hétérogène. Certains indices peuvent permettre d'éliminer des plantes indésirables avant qu'elles ne fleurissent.

  1. LA SÉLECTION CONSERVATRICE PRATIQUEMENT

Ou sélection massale par le dessous: le travail consiste à éliminer les plantes qui ne conviennent pas.

La population doit d’abord être examinée du point de vue des maladies. Toutes les plantes atteintes par des virus, des champignons ou des parasites sont alors éliminées. Ensuite, les sujets qui ne correspondent pas à l’image de la variété sont rejetés, c’est-à-dire, dans le cas des légumes, récoltés. Ceux qui restent fleurissent et font leurs graines.

Dans les cultures bisannuelles, ces deux phases du travail sont répétées, en 2ème année, avant la transplantation des plantes qui ont hiverné en cave. Les plantes qui restent sont replantées au printemps, fleurissent et font leurs graines. Il s'agit surtout de légumes racine. Certains légumes bisannuels ( panais, persil racine par ex. ) peuvent rester en place si le climat le permet et s'il n'y a pas trop de risque de dégâts de mulots, mais, dans ce cas, il n'est pas possible de sélectionner sur les caractères des racines, sauf si on les replante aussitôt après les avoir arrachées et triées. Pour les légumes feuilles ( chicorées, choux, poirée, poireaux ), ils passent généralement l'hiver en place.

Ou sélection massale par le dessus: le travail consiste à choisir les meilleures plantes. Au lieu de rejeter les mauvais sujets comme précédemment, on peut choisir les sujets isolés particulièrement beaux, sains, conformes à la variété, les marquer et ne pas les récolter ( on récolte tous les autres ). Ils fleurissent et forment leurs graines. On peut aussi n'arracher que ceux qui sont marqués et les replanter ailleurs ensemble.

On réalise une meilleure sélection si on ne retient que 100 plantes sur 10000 ( taux de sélection de 1% ), plutôt que si on retient 100 plantes sur 200 ( taux de sélection de 50% ). Il en est de même si on choisit 100 plantes sur 10000 ( taux de sélection = 1% ) plutôt que si on choisit 5 plantes sur 500 ( taux de 1% là aussi ).

Pour les variétés population allogames, il est très important de choisir un nombre suffisant de plantes porte graines pour conserver toute la diversité génétique de la population, par exemple 50 à 100 plantes même si 10 plantes auraient suffi pour avoir suffisamment de semences. Ce nombre devra être d'autant plus élevé que la population sera moins homogène. Pour ces espèces, 50 à 100 plantes constituent un effectif raisonnable, mais 200 c'est mieux. En outre, plus la population est petite, plus les risques de contamination par du pollen étranger sont grands. Pour être sûr de récolter des semences sur 50 à 100 plantes, il faut en garder au moins 50% de plus car certaines devront être éliminées ou s'élimineront d'elles même la deuxième année ou pendant la phase de reproduction.

Très important :Si une année, pour une raison ou une autre ( dégâts du gel, de maladies ou de ravageurs, etc..), on ne peut conserver qu'un faible nombre de plantes jusqu'à la floraison et la récolte ( 15 à 30 par exemple ), on perd irrémédiablement une bonne partie de la variabilité de la population. Cette variabilité ne pourra pas être reconquise les années suivantes même si on cultive un grand nombre de plantes. La seule solution est de ne pas avoir tout semé et de repartir l'année suivante de la semence en réserve ou de racheter de la semence si la variété est encore disponible.

Du fait de ce nombre minimum de porte graines à multiplier à chaque génération, la sélection conservatrice de certaines espèces par les jardiniers est illusoire, car ils manquent souvent de temps et de surface pour cultiver, à chaque génération, 75 à 150 plantes de chou, de potiron, etc.. Par contre, multiplier 75 à 150 pieds d'épinard ne leur pose pas de problème. En dehors des variétés fixées autogames, éviter de ne conserver la semence que de 5 -10 porte graines

Pour les plantes autogames, plus homogènes, on peut se contenter d'un nombre plus restreint de porte graines : 15 à 30 porte-graines.

Du fait de l'importance du taux de sélection, en SC ou et surtout en SCA, le sélectionneur obtient de bien meilleurs résultats quand il travaille avec un maraîcher. C'est d'ailleurs pourquoi les maraîchers qui faisaient de la sélection, obtenaient de si bons résultats, bien supérieurs à ceux que peut obtenir un jardinier. C'est en particulier le cas pour les légumes-racine bisannuels.

Pensez à contrôler vos semences avant le semis, ou, mieux, au cours de l'hiver précédent. Eliminer les graines d'adventices, les graines trop petites, les graines ternes ou déformées, les graines qui semblent malades ou rongées par des insectes. Si vous avez un doute, faites un test de germination.

Généralement les plus grosses graines sont les meilleures car elles ont été bien nourries par la plante mère. Elles auront plus de vigueur germinative et si les conditions de germination sont mauvaises elles bénéficieront de davantage de réserves pour attendre des conditions plus favorables.

Par contre, c'est une erreur de faire de la sélection en ne triant, dans un mélange de semences, que les plus grosses. En choisissant les plus grosses graines, on ne choisit pas forcément la descendance des meilleures plantes. En effet, ces grosses graines peuvent provenir de plantes qui ont poussé isolées, ou sur un endroit plus riche ou, pire, de plantes mal fécondées qui ont produit peu de graines. Dans le cas des allogames, il y a en outre plus de risques que ces plantes mal fécondées l'aient été par du pollen étranger.

Elles concernent avant tout les plantes allogames que l'on doit protéger, pendant la floraison, de tout pollen étranger à la culture: plantes sauvages de la même espèce, plantes cultivées d'autres variétés, repousses d’autres variétés sur la parcelle ou sur des parcelles voisines ( y compris les cours, jardins, tas de compost, etc.).

Pour mesurer l’importance des précautions d’isolement à respecter, il faut savoir que chez la carotte, il faut jusqu’à 10 générations, soit 20 ans de sélection conservatrice pour éliminer des traces de carottes sauvages dans une population contaminée.

Ces distances varient en fonction du but à atteindre et des circonstances. Il ne faut pas les appliquer à la lettre mais les calculer en fonction de différents facteurs. En particulier, tout dépend de la variété que vous voulez conserver : si elle est introuvable, vous devrez prendre beaucoup plus de précautions que s'il s'agit d'une variété commune.

Plus le taux d'allogamie supposé est important, plus la distance d'isolement devra être importante. En cas de doute, il vaut mieux prévoir une distance confortable.

La distance à prévoir varie beaucoup selon la taille relative de la parcelle à protéger et de la parcelle hybridante. Les distances préconisées sont valables pour des parcelles de taille identique. Si votre parcelle est très petite par rapport à celle du voisin, il faut considérablement augmenter la distance. Si, au contraire, vous cultivez un grand nombre de porte graines et que votre voisin, un jardinier par exemple, n'en a que quelques pieds, la distance peut être réduite.

Pour diminuer les risques de contamination par du pollen d'autres parcelles, il est recommandé, si on multiplie un nombre réduit de porte graines, de planter en carré et d'éviter de planter sur un ou deux longs rangs : il vaut mieux 10 rangs de 10 m de long que 2 rangs de 50 m. La pollinisation, par les insectes ou par le vent sera plus efficace et la surface offerte à une pollinisation étrangère sera réduite. En outre, pour limiter les risques, on pourra récolter la semence de base sur les porte graines du centre de la parcelle; la semence récoltée sur les bords sera vendue.

Il faut aussi tenir compte des vents dominants et de la position des parcelles par rapport au vent: si votre parcelle est sous le vent dominant de la parcelle hybridante, il faut augmenter la distance.

Si la pollinisation est assurée majoritairement par les abeilles, il faut aussi tenir compte de la provenance des abeilles et de la position du rucher par rapport aux 2 parcelles.

Il faut savoir que quand une abeille butine, elle ne butine que les fleurs d'une seule espèce ( cela peut se vérifier en regardant des pelotes de pollen : elles ne contiennent que des grains de pollen d'une seule espèce ). Ceci est favorable à la pollinisation des fleurs, mais cela favorise aussi les pollinisations croisées. Il faut aussi savoir que le pollen indésirable ne va pas être apporté par une abeille qui a visité un autre champ avant de venir dans le vôtre. En fait, une abeille n'explore qu'une petite surface et y revient à chaque voyage. Le plus souvent, c'est dans la ruche que le pollen passe d'une abeille qui vient d'un autre champ à une abeille qui butine dans le vôtre. En effet, au moment de la floraison, dans les ruches, il y a du pollen partout et les "couloirs" sont étroits et bondés d'abeilles ! Si donc une abeille peut voler à 2-3 km de sa ruche, elle peut vous apporter du pollen d'une parcelle située à 4 ou 6 km de là : il suffit que la ruche soit à mi distance des deux parcelles.

La distance devra être plus grande entre deux variétés de type très différents ( ex. chou cabu - chou de Bruxelles ) qu'entre deux variétés semblables ( ex; 2 choux cabus de même couleur et de même précocité ).

Si l’on ne dispose pas de distances d’isolement suffisantes ou si l’on veut maintenir plusieurs variétés sur la même parcelle, on peut aussi protéger chaque culture par des filets "insect-proof’’ ( étanches aux insectes et au pollen ), voir par exemple : DIATEX 58 ch. des Sources - 69230 - St Genis Laval - Tel : 04 78 86 85 00. www.diatex.com qui commercialise un filet de 3m x 100m.

On peut aussi compter sur le décalage dans le temps des périodes de floraison de deux variétés, mais c'est toujours un peu risqué car il peut y avoir des plantes précoces d’un champ qui vont fleurir en même temps que des plantes tardives de l'autre champ. Ainsi, les carottes sauvages sont annuelles mais que les carottes cultivées, qui sont bisannuelles, commencent à fleurir les premières : les ombelles primaires sont généralement défleuries quand les carottes sauvages commencent à fleurir ( sauf sur les plantes plus tardives ). Cela permet, en ne récoltant que les ombelles primaires, de conserver la pureté variétale ( semence de base ).